En cas de sous-location illicite réalisée par le locataire en méconnaissance des termes du contrat de bail via la plateforme AIRBNB, la responsabilité de cette dernière a été retenue eu égard à son activité d’éditeur dès lors « qu’elle est en capacité de vérifier si l’hôte dispose du droit de proposer à la location un bien ou non »
Dans cette affaire au jugement inédit, un locataire a conclu un bail d’habitation comprenant une clause lui interdisant de procéder à la sous-location du bien sauf accord écrit du bailleur.
Constatant que son logement était sous-loué via la plateforme AIRBNB, et ce malgré les termes du contrat de bail, le bailleur a saisi le juge des référés lequel a, par ordonnance du 26 novembre 2018, ordonné à AIRBNB de communiquer le relevé des transactions relatif aux sous-locations de son appartement effectuées par le locataire sur la plateforme.
Il a ainsi été établi par les relevés des transactions transmis par AIRBNB que la locataire avait sous-loué le logement en cause à 87 reprises en 2016 et 77 en 2017, cumulant ainsi 534 jours de sous-location.
C’est dans ces conditions que le bailleur a saisi le Tribunal d’Instance de PARIS, (compétence du Juge du Contentieux et de la Protection dorénavant depuis la dernière réforme du Code de Procédure Civile) aux fins notamment de condamnation in solidum (signifiant que l’on peut récupérer toutes les condamnations chez l’un d’entre eux, à charge pour lui de récupérer chez le second ce qui était dû par ce dernier.) du locataire et d’AIRBNB à lui verser notamment la sommes de 51.939,61 euros au titre des sous-loyers illicites perçus par le locataire perçus outre les intérêts au taux légal à compter de la décision.
La demande de condamnation in solidum de la plateforme et du locataire au paiement des sous-loyers était ainsi particulièrement intéressante dès lors que le bailleur faisait notamment valoir qu’AIRBNB avait commis un manquement à son obligation de veiller à l’absence de contenus et d’agissements illicites sur sa plateforme en sa qualité d’éditeur, dès lors que selon le bailleur il n’a pas qu’un simple rôle de prestataire technique mais exerce un réel contrôle et une autorité sur l’ensemble des activités de ses membres hôtes à proposer leur logement à la sous-location.
Par jugement en date du 5 juin 2020, le Juge du Contentieux et de la Protection a fait droit, de façon inédite, à la demande de condamnation.
- A propos du locataire
Concernant la responsabilité du locataire, il convient de prime abord de rappeler que par arrêt en date du 12 septembre 2019 (18-20.727), la Cour de Cassation avait jugé qu’en matière de sous-location « sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire. » et ce « nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur »
Dans la présente affaire, le locataire a donc été condamné à procéder au remboursement des sous-loyers indûment perçus.
Néanmoins, quid de la responsabilité d’AIRBNB aux côtés de celle du locataire comme soutenu par le bailleur ?
- A propos d’AIRBNB
Le Juge du Contentieux et de la Protection a entendu les arguments présentés par le bailleur en rendant un jugement particulièrement explicite et détaillé sur le fondement de la loi pour la confiance en l’économie numérique.
Le jugement renvoie aux conditions générales de la société AIRBNB qui fixent des règles d’utilisation du site mais également la relation contractuelle des membres entre eux notamment en leur imposant le respect d’un certain nombres de règles.
Ces conditions générales donnent des directives à ses hôtes: être réactif, accepter les demandes de réservation, éviter les annulations, maintenir une bonne évaluation globale et fournir des équipements de base, et le non-respect de ces directives peut aboutir à un retrait du contenu et/ou des pénalités.
Selon le Juge du Contentieux et de la Protection, AIRBNB a donc un droit de regard et s’arroge le droit de retirer un contenu pour non-respect des conditions contractuelles mais également pour toute autre raison à son entière discrétion allant jusqu’à prévoir de pénalités frappant les membres du contrat d’hébergement qui quitterait par exemple le logement au-delà de l’heure d’occupation.
Dans ces conditions, et selon le Juge du Contentieux et de la Protection, il est établi qu’AIRBNB n’a pas une simple activité d’hébergement à l’égard des hôtes qui ont recours à son site mais a une activité dite d’éditeur.
Le Juge poursuit en précisant qu’à ce titre, AIRBNB « est en capacité de vérifier si l’hôte dispose du droit de proposer à la location un bien ou non »
Dès lors, que l’hôte, et donc ici le locataire, exerce une activité illicite par l’intermédiaire d’AIRBNB, compte tenu de son droit de regard sur le contenu des annonces et des activités réalisées par son intermédiaire en qualité d’éditeur, AIRBNB a commis une faute en s’abstenant de toute vérification, laquelle concourt au préjudice subi par le propriétaire bailleur.
C’est dans ces conditions que le Juge du Contentieux et de la Protection a décidé de condamner in solidum la locataire et la société Airbnb à verser à la propriétaire la somme de 51 939,61 euros, avec intérêts au taux légal.
En conclusion, il est fortement probable que AIRBNB fasse appel de ce jugement inédit qui tend à lui imposer une vigilance accrue dans le cadre de son activité et il sera particulièrement intéressant d’étudier l’arrêt d’appel qui sera éventuellement rendu dans cette affaire.
A suivre !
Source: JCP TJ Paris 5 juin 2020 n°11-19-005445
Marion Mabriez